Page:Bérard - La résurrection d’Homère, 1930, 1.djvu/171

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vêtu de forêts et couronné de grands pins-parasols.

A première rencontre, tout familier des Hellènes reconnaîtra en cet anthropomorphisme la marque propre du génie grec. Notre monde est encore peuplé des innombrables personnages, divins ou humains, que l’Hellène tira de ses roches, de ses sources, de ses fleuves et de ses monts : Aréthuse vit toujours sur les monnaies siciliennes ; l’hydre habite toujours les sources de Lerne ; les oiseaux de Stymphale hantent toujours le ciel du lac putride. Il peut donc sembler que, dans les Récits d’Ulysse, cet anthropomorphisme a été l’apport du Poète grec : le Sémite ayant fourni la matière, l’Hellène en tira la statue.

Mais en quel état cette matière fut-elle apportée ? est-ce un périple continu ou des fragments de périple, un seul bloc ou plusieurs blocs, que l’artiste grec reçut de la carrière sémitique ?

La réponse me paraît certaine. Ce n’est pas un périple continu que le Poète semble avoir taillé et mis en œuvre : ce sont des fragments de périple qui furent ajustés bout à bout ou juxtaposés sans autre tenon que le vers monotone : « De là nous naviguons plus avant… ».