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aujourd’hui, si l’on en croit les dires des navigateurs : selon que soufflent les vents de Nord ou les vents de Sud, tous les navigateurs anciens et modernes constatent cette saute d’humeur et l’attribuent à la même cause.

A la fin de chaque aventure d’Ulysse, on pourrait retrouver le texte probable d’un périple et le mettre en regard des accommodations du poème ; on verrait que l’invention se résume toujours en un seul procédé : de la statique du périple, le Poète tira la dynamique des Récits ; il mit en actions humaines ce que son modèle lui donnait en descriptions ou en renseignements nautiques.

On retrouve partout en œuvre la même force agissante, vivifiante, qui donne le mouvement aux choses et le sentiment aux pierres elles-mêmes. Nous voyons surgir des flots la Roche du Croiseur. De tout temps, existait au Nord de Corfou ce Vaisseau de pierre qui valut à la grande île son nom primitif de Croiseur Noir, Kerkyra Schéria ; le Poète nous cite le nom de Scheria avant la pétrification du vaisseau phéacien. Mais de cette Roche immobile, enracinée, il fait d’abord, par son procédé habituel, un être vivant, marchant, — car les vaisseaux pour lui sont presque des êtres, — puis il l’enracine et le pétrifie sous la main toute-puissante du dieu de la mer.