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l’Ithaque d’Ulysse et notre Ithaque est l’ancienne Samos, — soutiennent les novateurs, — parce que le Poète a dit que, « dans la passe entre Ithaque et la Samé des Roches », il est un îlot Astéris, avec les deux beaux Ports Jumeaux. Or, si l’Ithaque homérique était l’Ithaque d’aujourd’hui, cet îlot Astéris serait l’écueil Dascalio, un simple dos de roche, qui n’a pas le moindre refuge… Les Ports Jumeaux s’ouvrent sur l’autre rive du détroit, non pas sur cet îlot lui-même, mais à la côte de Samos, qui fait face à Astéris.

Toutes ces inexactitudes et erreurs, on le voit, se ressemblent : c’est qu’elles sont inhérentes à la lecture et à l’usage des périples, si l’on adopte ce mot antique pour désigner les Instructions nautiques, Pilots, Miroirs et Portulans de toutes les époques. En lisant nos Instructions, aujourd’hui encore, nous en commettons de pareilles : les livres des gens de mer arrivent, par la monotonie de leurs énumérations et l’entassement de leurs noms propres, à ne plus donner le sentiment des distances ni la juste mesure des intervalles, qui séparent dans la réalité les différentes parties et particularités d’une côte ou d’un mouillage.

Le périple est un chapelet de noms propres dont le lecteur, au gré de son imagination, rapproche ou sépare les grains indépendants et mobiles. Chacun de ces grains représente une