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parle à des marins un langage de marins et qu’il sait les termes du métier. Si l’on en voulait donner une idée adéquate, il faudrait prendre, mot par mot, la construction du radeau dans l’île de Calypso et la comparer à la description analogue qui se lit dans le périple d’Himilcon : seule, cette comparaison peut fournir le sens véritable et complet de certains termes dans l’un et l’autre textes.

Il est plus facile d’en juger par la lecture de Virgile et des étranges équivalents que ce bon élève des Alexandrins substitua aux mots et formules homériques. Le Poète grec emploie pour désigner le navire de ses héros les deux formules que les gens de mer employaient de son temps : c’est le « navire rapide », que les cinquante rameurs font voler sur le dos des vagues, et c’est le « vaisseau creux », qui peut affronter les houles et les coups de vent de la haute mer. Chacune de ces deux formules ne forme qu’une locution : au lieu de « vaisseau rapide », les Français des xvie et xviie siècles disaient « galère subtile » ; au lieu de « vaisseau creux », nous disons « vaisseau de haut bord ». Virgile, pour les besoins du vers, a traduit « vaisseau creux » par cava trabes, la « poutre creuse » : il fait ainsi naviguer en pirogue ceux qui avaient reçu des Phéniciens le « croiseur » de guerre, la galère que nos rois du xviie siècle