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d’une autre façon. En certains points, leur nomenclature et la sienne s’offrent comme la double traduction ou transcription d’un seul et même original ; mais, de l’une à l’autre, il est une différence essentielle : transcriptions et traductions odysséennes sont œuvres savantes, « écrites » ; transcriptions et traductions des Hellènes sont œuvres populaires, « parlées ».

Les Sémites avaient donné au Pays des Yeux Ronds un nom que les Anciens nous ont transmis sous la forme Oin-Otria. Ce terme, formé de deux vocables, fut exactement, complètement, littéralement traduit par le poète odysséen en Kukl-Opia. Les Hellènes, au contraire, dans le nom simple de Opikia, « l’œillère », ne nous en ont rendu que le sens global, résumé : Kuklopia et Opikia sont deux traductions grecques d’un seul et même original sémitique ; mais est-il inexact de dire que la première sent son « auteur », son savant, et que la seconde, au contraire, en trahit l’origine populaire ?

Le peuple, en transmettant ou traduisant, simplifie toujours un peu. Il prend l’essentiel et néglige le reste. Il dit le pays des Yeux, Opikia, l’île du Croiseur, Kerkyra, la pointe Blanche, Iapygia, et non pas le pays des Yeux Ronds, Kukl-Opia, l’île du Croiseur Noir, Kerkyra Scheria, la pointe de la Guette Blanche, Messapia Iapygia, etc., ou, quand il transcrit