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Le mouillage de la lagune avait une bonne aiguade : la Fonte della Bagnaja sourd parmi les premiers arbres de la forêt. Autre commodité pour les marins d’autrefois : le pied de la montagne, qui regarde la mer, est troué de grottes nombreuses, les unes au ras même du flot qui y pénètre, les autres derrière de petites grèves ou des éboulis de rochers, Grotta delle Capre, Grotta del Precipizio, Grotta della Maga. C’est en cette grotte de la Magicienne que la tradition populaire cherche à tort la demeure de Circé. La Grotte aux Chèvres, par contre, convient de tous points à certains détails du texte odysséen.

Cette immense grotte, — 36 mètres de long, 25 mètres de large, 10 ou 12 mètres de haut, — surplombe les roches aiguës de la côte méridionale : « Redescends à la plage, et tire à sec ton navire ; cachez tous vos agrès et vos biens dans les grottes… », dit à Ulysse Circé qui parle en connaissance de cause. La Grotte aux Chèvres serait assez vaste pour servir de remise à plusieurs vaisseaux du temps ; mais comment haler ici un navire, sans l’éventrer sur les écueils du bord ou les roches coupantes et les énormes éboulis de la rive ? Ce n’est pas à cette côte sauvage, c’est aux grèves du port tranquille, au fond de la lagune, à l’autre bout de l’île, qu’Ulysse doit tirer et remiser son