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qui je finis mes jours, s’amuse à me tirer les cartes et me prédit une lettre qui doit me combler de joie.

    n’est morte que trois mois avant lui. Elle avait été fort belle ; elle avait conservé dans la vieillesse l’art de chanter avec pureté et avec grâce ; elle était pleine de sens, elle était pour lui une digne compagne. Est-il nécessaire de dire que cette femme qu’il aima toute sa vie d’une tendresse si respectueuse n’est pas la coquette et légère Lisette des chansons ? Il n’y a que deux ou trois chansons de Béranger où reste gravé le souvenir de mademoiselle Judith. C’est Maudit Printemps, c’est le Temps, c’est la Bonne Vieille, l’une des pièces les plus tendrement émues qu’il ait écrites, et la ravissante romance dont le refrain est :

    Grand Dieu, combien elle est jolie !

    La plus exquise délicatesse y respire à chaque vers. C’est donc une erreur que de faire de cette excellente amie, si fière et si dévouée, l’héroïne de quelques couplets légers. Il suffit de lire avec soin les anciennes chansons de Béranger pour ne pas se méprendre. Les chansons nouvelles montrent bien nettement que la Lisette n’est qu’un personnage de fantaisie que Béranger a emprunté au dix-huitième siècle*,

    Va revoir chaque Lisette
    Qui t’a devancé là-bas ;

    dit-il quelque part. Ailleurs encore il dit :

        Et la beauté tendre et rieuse
    Qui de ses fleurs me couronna jadis,
        Vieille, dit-on, elle est pieuse :
    Tous nos baisers, les a-t-elle maudits ?
    J’ai cru que Dieu pour moi l’avait fait naître ;
    Mais l’âge accourt qui vient tout effacer ;
        Ô honte ! et sans la reconnaître,
        Je la verrais passer !

    Il est impossible d’appliquer ces vers, que le poëte consacre au