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Toi dont le cœur est généreux,
Toi que j’ai toujours vu sensible,
Toi qui jamais d’un malheureux
N’as trouvé la plainte risible ;
Toi qui vis comme un Robinson,
Tandis que le sort me ballotte
Toi qui peux garder la maison,
Veux-tu me prêter ta culotte[1] ?


Un seul de mes anciens amis a rompu avec moi, en 1815, par humeur politique. C’était un artiste célèbre[2], homme d’un caractère ordinairement aimable et doux, mais dont la vanité sans doute s’éprit des sociétés aristocratiques. Cet ancien ami se repentit de s’être éloigné de moi ; mais en amitié je n’ai jamais cru les raccommodements possibles, à moins de malentendu[3].


    Leur honneur, auquel je crois peu,
    Est en grand péril sous leur cotte
    Car ces dames se font un jeu
    De voir leurs amis sans culotte.

  1. Dans l’original, il y a, de plus : « C’est ta culotte de soie noire dont il est question ; sans elle je renonce au Te Deum ; mais, avec ou sans culotte, je n’en serai pas moins ton plus sincère ami. »
  2. Le peintre Guérin, l’auteur de Marcus Sextus, du Départ d’Hippolyte, d’Andromaque, d’Énée et Didon.
  3. « Faites comme je fais à cet égard. L’amitié est une chaîne trop peu tendue pour qu’elle se casse d’elle-même : ce n’est point comme l’amour. Or, puisque c’est volontairement qu’on la brise, disons toujours adieu à ceux qui nous quittent, et jamais au revoir. » (Correspondance de Béranger. Lettre du 22 octobre 1811.)