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pleine d’estime que ce sexe m’a inspirée dès ma jeunesse n’a cessé d’être la source de mes plus douces


    au nom de l’esprit d’humiliation et de pénitence, mais au nom de ces devoirs si nombreux que les siècles en marchant nous imposent, parle aux voluptueux des caresses menaçantes de la Sirène. Béranger l’a peinte, dans un merveilleux paysage, à l’heure où tout s’endort,

    Le vent, le travail, la gaîté,

    à l’heure où seulement, dans le silence et dans les dernières lumières du soir,

        Du sein de l’onde un mot surnage,
    Mot que la nuit fera redire au jour :
            Amour ! amour !

    La sirène (c’est l’amour même) appelle les jeunes gens qui ont leur vie courageuse à vivre :

        La vie, enfant, la douce vie,
    N’est parmi nous, qui savons l’attiser,
            Qu’un long baiser.

    Le malheureux l’écoute, hésite et disparaît pour jamais sous les flots. C’est en vertu d’un système à la fois philosophique et politique que Béranger, pour combattre les amours énervantes, a loué l’amour rapide, et, plus tard, l’amour-amitié.

    Quand nous voulons nous faire chacun notre élégie du Lac, nous sommes perdus pour longtemps et courons risque d’être perdus pour toujours : au contraire, l’amour, tel que l’entend Béranger, laisse l’homme à la patrie, à la raison, à l’avenir. Il sait bien qu’il y a un temps pour la rêverie nonchalante, et que nous n’avons pas été créés pour prononcer toujours ou pratiquer des sentences ; mais la vie est courte, le temps nous presse ;

    Chaque baiser qu’on se donne
    Peut être un dernier baiser.

    Au galop ! Si nous tenons à vivre en hommes, ne nous attardons pas aux enivrements de la passion.

    Notre vie ainsi lancée
    Ira cent fois dans un jour