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la femme, non comme une épouse ou comme une maîtresse, ce qui n’est trop souvent qu’en faire une


    toute sa vie un ami incomparable, et pourquoi il y a eu peu de place dans cette vie pour le roman de l’amour.

    Le chantre des joies faciles de la Rome antique, Horace, n’a-t-il pas également mis l’amitié au-dessus de l’amour et pratiqué cette morale avec une joie sans mélange ? Quand il rencontre, dans son voyage à Brindes, et Varius, et Plotius et Virgile, avec quel sincère élan de l’âme il s’écrie :

    O qui complexus et gaudia quanta fuerunt !
    Nil ego contulerim jucundo sanus amico.

    « Non, il n’y a rien pour l’homme de sens au-dessus d’un aimable ami. » Ou bien :

    Les longs romans qui font pitié
    Ne vaudront jamais quelques pages
    Du doux roman de l’amitié.

    À citer toutes les pièces de Béranger dans lesquelles il a loué l’amitié, ou chanté ses amis, ou prouvé combien il les aimait, l’énumération serait longue. Il y en a vingt dans l’ancien recueil : il y en a tout autant dans les Œuvres posthumes. Cette tendresse, qui se marquait par des actions plus encore que par des couplets, prend dans Ma Biographie une couleur plus sentimentale que dans les chansons de la jeunesse. Béranger, oubliant son rôle et sa renommée, va jusqu’à recueillir naïvement des vers dont le plus grand mérite est de dater de loin et de lui rappeler ses plus chers souvenirs. Non-seulement il donnait toutes ses pensées, tout son crédit et tout son temps à ses amis, il leur eût donné jusqu’à sa gloire. Ne soyons pas sévères pour ces quelques chansonnettes qui n’ont pas le grand coup d’aile lyrique, mais qui gardent un si charmant parfum d’amitié.

    Dans la Couronne retrouvée, le poëte illustre, le vieil ami, est seul, à Fontainebleau, devant ses souvenirs de jeunesse. Il se raconte les joies passées, et une larme mouille ses yeux.

        Et ces convives si fidèles
    Au joyeux chant qui rend l’aï plus doux,
        Que plus tard j’ai pris sous mes ailes,