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jamais pu remettre les pieds sans un frisson d’épouvante.

    gnature dans l’affaire de l’hypothèque. Je ne veux que la promesse que tu mettras ordre à cette affaire, pour te faciliter le moyen de toucher les cinq ou six mille francs de M. de Viterne*.

    Tu m’as dit que ce que tu avais fait pour moi équivalait bien à ce que tu me devais. Moi, je crois t’être redevable de beaucoup : heureux si quelque jour je puis t’être utile ! alors je ferai ce qu’un fils doit faire pour son père ; et cela, sans prendre pour base les comptes que nous aurions à régler ensemble. Je sens trop bien que je te suis à charge pour aggraver davantage les malheurs de ta situation. Je vais tâcher de me suffire. Puisse Dieu bénir un dessein que m’inspire la raison !

    Ne crois pas que ce soit orgueil ou colère qui me porte à me séparer de toi. Si j’eusse écouté ces sentiments, il y a longtemps que j’aurais fait ce que je fais aujourd’hui ; mais, pour mieux le prouver encore, j’espère aller quelquefois manger la soupe en famille. Je compte avant quelques mois mettre fin aux inquiétudes que ma situation pourrait t’inspirer. C’est pour éviter les emportements que j’ai pris le parti de t’écrire. Adieu, je suis pour la vie ton fils.

    Béranger.

    Je compte bien toujours profiter du blanchissage. Je désirerais aussi que tu fondisses mon compte chez madame Greus avec celui d’Adélaïde**. C’est sept ou huit livres que tu auras à acquitter. Elle est trop cher pour que je lui donne encore mes bas à blanchir : je prie Adélaïde de l’en prévenir.

    Je voudrais que tu donnasses encore un petit écu à madame Jary pour ce que je lui dois.

    * Un des cahiers de papiers d’affaires du père de Béranger porte pour titre M. de Viterne ; droits de mon fils, et contient cinq lettres, datées de frimaire et de pluviôse an X, dans lesquelles on voit que de Viterne, sans doute l’un de ses clients, lors de sa prospérité, lui avait acheté une maison sise au Gros-Caillou, rue Saint-Dominique, et que le vendeur avait fait prendre à son fils une inscription hypothécaire destinée à représenter, plus ou moins, la valeur de la succession maternelle (3,200 livres). Béranger ne se prêta pas volontiers à ce genre d’opérations, et c’est surtout pour n’avoir rien à y démêler jamais qu’il désirait obtenir de son père un arrangement bien net de leurs intérêts.

    Une note du père de Béranger dit : « Le 18 ventôse an X, Béranger, au bureau des hypothèques du département de la Seine, aux Petits-Pères, justifia de sa majorité et fit acte de nouveau domicile, rue Saint-Nicaise, No 486. »

    ** Adélaïde Paron, cousine-germaine de Béranger, que l’on avait confiée, de Péronne, aux soins de son père.