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— Mère Jary, lui dis-je, aujourd’hui même vous aurez cette adresse. » En effet, je l’allai chercher au théâtre, et m’empressai de la lui porter. Comme je devais m’y attendre, le lendemain, je la vis arriver triste et abattue. L’acteur Paul avait un père et une mère ; il les lui avait présentés ; car il se rendait compte du sentiment qui animait la pauvre femme et il l’avait affectueusement accueillie.

Peu de mois après, l’âge, la misère et les peines morales triomphèrent enfin de sa forte constitution. Des plaies dangereuses envahirent les jambes, et elle se fit porter à l’Hôtel-Dieu, que je n’avais pas le moyen de lui éviter. À la première visite que je lui fis, elle me dit : « Si j’osais ! — Osez, osez, mère Jary. Eh bien, j’ai appris, le jour où je suis entrée ici, qu’un enfant trouvé, nommé Paul, habite sur le quai de la Ferraille. On m’a assuré qu’il avait l’âge de mon cher enfant. »

J’allai voir le brave ouvrier ; mais cet homme, d’origine méridionale, n’avait que trente-six ans. Il me fallut encore affliger la pauvre malade, dont l’état empira promptement. Une des sœurs qui desservaient la salle l’avait prise en affection ; je sus par elle qu’il n’y avait point à compter sur une guérison, qu’ainsi l’on pouvait satisfaire à ses petites fantaisies. Je lui portais un matin des confitures qu’elle avait désirées ; mais, sans y faire la moindre attention :