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compagnie. Oui, depuis l’âge de dix-neuf ans, j’ai vécu seule, toujours seule. Quelquefois pourtant votre grand-père m’admit dans sa famille, et, m’ayant appris à travailler de son état, ne me laissa jamais manquer d’ouvrage, ce qu’il regardait comme une distraction suffisante, lui qui n’en connut guère d’autres, sauf pourtant ses promenades du dimanche, où, tout petit que vous étiez, il vous emmenait courir les champs. C’était dans une de ces courses que, bien longtemps avant le mariage de votre mère, j’eus le bonheur de le rencontrer. J’étais avec Gaucher, qui travaillait pour lui, et depuis le cher homme m’a toujours été secourable. Je travaille donc ; mais j’avais cent soixante-quinze francs de dettes à acquitter. On ne sait pas combien il faut de temps à une pauvre ouvrière pour payer une si forte somme, quels que soient son courage et son économie. Dix-sept livres dix sous par an prélevés sur de petites journées, c’est énorme. J’ai tout payé, mon cher enfant, tout payé. Il m’a fallu dix ans pour cela. Pendant ces dix années, à compter du jour où ma santé se rétablit un peu, croyez que je fis bien des démarches pour avoir des renseignements sur mon fils. Toutes mes tentatives furent vaines : car c’est un usage de l’administration des Enfants-Trouvés de refuser aux mères la connaissance des lieux où ces enfants sont envoyés. Je m’en aperçus