Page:Béranger - Ma biographie.djvu/52

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vieux chevalier de fou. Il ne l’était pas. Mais je dois convenir que j’appris plus tard qu’il appartenait à la secte des illuminés, fondée par Swedenborg, modifiée et propagée en France par Saint-Martin et dont Cazotte, auteur du Diable amoureux, fut, dit-on, un des plus fervents adeptes. Plusieurs illuminés français avaient les mêmes idées politiques que mon chevalier, et l’un d’eux, qui m’en a parlé dans de semblables termes, me prédit, en 1806, la chute de Napoléon, parce qu’il n’avait pas rempli la mission que Dieu lui avait donnée de rendre le trône de France aux descendants du Masque de fer. Moquez-vous donc des superstitions de village, lorsque vous voyez des gens d’un monde éclairé infatués de pareilles rêveries !

On ne sera pas surpris que, depuis tant d’années, j’aie cherché à savoir ce que je devais penser de M. de Vernon. Longtemps sa trace m’échappa mais enfin une personne qui mérite confiance me dit l’avoir connu ou plutôt vu en Bretagne. C’était, en effet, un homme dont l’extérieur répondait assez au portrait que m’en avait fait M. de la Carterie. Ce M. de Vernon, qui habitait un modeste château, paraissait vivre dans une certaine aisance, qu’entretenaient ses crédules partisans, et, dans le pays, on se contait à l’oreille et son origine et ses droits. Il paraît que, sous l’Empire, il fut l’objet d’une surveillance ; au