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que, pour la première fois, je le vis comme il traversait un bout d’avenue.

« Quel grand militaire dis-je au comte.

— Oui, mais la République le tuera, s’il ne tue la République.

— Il se fera dictateur.

— C’est là une prédiction d’école, jeune homme. À des républiques comme celle-ci, il ne faut que quelques coups de balai pour faire place aux maîtres légitimes.

— Et croyez-vous, monsieur le comte, que Bonaparte voulût se charger d’être le balayeur ? » Il hésita à me répondre, et finit par me dire :

« Il est gentilhomme, il a été élevé avec des hommes comme nous : cela ne s’efface pas. Au reste, le Directoire ne le laissera pas grandir. »

Je savais assez d’histoire pour voir que le rôle de Monk était celui que M. de Clermont assignait au héros d’Italie. Il ne fut pas le seul qui ait caressé cette illusion, même pendant le Consulat.

On doit voir que j’ai été à bonne école du droit divin : pour n’en être pas devenu partisan, il fallait que ma jeune nature fût bien rétive. Cette conversation m’en rappelle une autre de la même époque.

Mon père suppliait alors tous ceux qu’il voyait de me faire la leçon sur mon républicanisme, et il s’était surtout confié au chevalier de la Carterie, homme