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et plus tard si vénérable d’un homme que la vie a lassé et d’un patriarche qui se repose. D’ailleurs, le peu de cheveux qui lui restaient, d’une couleur blonde qui avait fort peu blanchi, et qu’il laissait croître et retomber sur ses épaules, encadraient de la façon la plus aimable son aimable visage.

La fermeté du caractère était empreinte dans tous ses traits ; mais on y lisait aussi la douceur de son âme. Ses grands yeux bleus, saillant un peu de l’orbite, avaient une expression que nul ne pouvait oublier. Vers la fin de sa vie, ils s’étaient voilés et obscurcis ; mais ils avaient conservé, jusque dans le trouble de la vue, la sérénité du regard, et ils vous parlaient encore avec bonté lorsque sa bouche était déjà muette. Si une grande pensée avait traversé son esprit, un vif éclair en jaillissait, et l’indignation pouvait les enflammer. Sa bouche surtout était d’un dessin remarquable : de ses lèvres arquées partaient à la fois le sourire de la bienveillance et le sourire de l’ironie. Les belles paroles en coulaient sans cesse, vibrantes et harmonieuses. Cette voix, d’un timbre presque toujours agréable et doux, trouvait au besoin des notes sévères. On a remarqué, dans les dernières journées, son accent prophétique ; il résonne encore à nos oreilles.

Longtemps maladif, Béranger a été dans sa jeunesse délicat, chétif même, et, comme il l’a dit, sujet à de très-fréquentes et cruelles migraines dont l’âge l’avait en partie délivré. Son air, « fin et voluptueux » avec grâce, n’était pas sans mélancolie ; jamais il n’a été négligé, il était simple. Sa main était petite, souple et fine. C’était un grand marcheur ; il avait le pas ferme et léger. Presque toutes ses chansons sont nées pendant ses promenades.

Son costume était celui d’un pasteur protestant. Ses vêtements simples, toujours de couleur foncée, et son large chapeau de feutre souple lui seyaient mieux qu’à personne. Il avait