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madame Antier les fatigues de son admirable et opiniâtre dévouement, en ces longues journées et en ces nuits plus longues encore[1].

Béranger, le 15 juillet, s’était trouvé un peu mieux vers midi ; il avait reconnu ses amis, il avait même prononcé quelques mots ; il avait retrouvé un souffle de gaieté douce, il avait souri quand M. Ségalas[2], en lui tâtant le pouls, lui parlait de la foule accourue autour de sa maison, de cette foule dont le flot assiégeait sans relâche l’escalier et qui se retirait avec tant de peine. Le soleil était au plus haut point de sa course ; il jetait un jour brillant sur les fenêtres. Comme Gœthe à son lit de mort, Béranger fit signe pour qu’on ouvrît les persiennes et appela la lumière d’un œil avide. Il ne se croyait pas frappé sans espérance, il murmura : « Un mois, un mois et demi ! » quand le médecin lui dit qu’il fallait attendre patiemment une guérison, hélas ! impossible.

Le matin, M. Mignet l’avait trouvé pesamment endormi, la tête soutenue par une bandelette attachée au fauteuil. Quelques instants après, Manin entra ; mais Béranger, qui s’éveil-

  1. Voici les noms des personnes qui ont veillé Béranger dans sa maladie :

    M. et madame Antier, M. Perrotin, journellement ;

    MM. les docteurs Ch. Bernard, Jabin, Charles Lasègue ;

    MM. Edmond Arnould, Paul Boiteau, Victor Bonnet, Onésime Borgnon, Broc, Chevallon, Donneau, Gallet, Savinien Lapointe, Charles Thomas. Un seul nom manque à cette liste ; c’est celui de Béjot. Il était retenu dans son lit par de cruelles douleurs qui n’ont cessé qu’après la mort de Béranger. Une autre personne que Béranger aimait, et à laquelle son patronage fera défaut, M. Chintreuil, l’un de nos peintres paysagistes les plus distingués, n’a pu, à son grand chagrin, prendre sa part de ces veilles pieuses.

    D’autres amis anciens, MM. Cauchois-Lemaire, Bernard, de Rennes, et Joseph Bernard, par exemple, auraient voulu pouvoir ne quitter jamais l’illustre ami qu’ils allaient perdre.

  2. M. Ségalas, dès que Béranger habita la rue Vendôme, offrit ses services toutes les fois qu’il y eut besoin d’un médecin. Il avait déjà soigné Béranger (en 1855) dans une hémorragie ; aux derniers jours, il ne cessa de venir le voir et d’offrir encore ses services.