Page:Béranger - Ma biographie.djvu/411

Cette page a été validée par deux contributeurs.

nelle ; en 1848, il vit que dix-huit ans de liberté n’avaient pas encore assez éclairé le peuple et n’avaient pas assez produit de caractères pour la direction d’une république pacifique et durable. S’est-il trompé ? Les républicains intelligents lui peuvent-ils reprocher des craintes que n’ont que trop justifiées et la turbulence du peuple et l’insuffisance des hommes d’État ?

Mais la passion ne raisonne pas. Une partie de ceux qui laissaient périr la République, accusèrent dès lors Béranger, un vieillard qui n’avait jamais voulu rien être, d’avoir refusé, à soixante-huit ans, une place dans l’Assemblée constituante. Ils ne comptaient donc que sur lui !

Puisque nous avons vu tomber l’établissement républicain, puisque nous savons, à n’en pas douter, que ni Béranger ni personne n’eût empêché le suffrage universel, les circonstances étant données, de ruiner la liberté, ne nous prenons qu’à nous-mêmes de nos mécomptes.

Mais en 1847 il publie sa chanson du Déluge des rois et prêche les idées républicaines ! Sans doute : seulement il n’assigne pas six mois de date à l’échéance de la lettre de change qu’il tire sur l’avenir, et il veut que le travail philosophique soit fait dans les esprits avant que la monarchie soit supprimée comme inutile. Nous mettons trop souvent dans les débats de philosophie politique une sorte de colère. Béranger nous instruisait à la modération sans rien sacrifier de sa doctrine. Un roi n’est pas nécessairement, surtout au dix-neuvième siècle, un ennemi de la nation qu’il gouverne ; il n’y a pas guerre fatale entre la Monarchie et la République. Quand donc nous habituerons-nous à ne pas nous montrer le poing de parti à parti ? Il n’y a pas de partis pour le citoyen sage ; il n’y a que des systèmes divers qui doivent tous être étudiés à fond dans l’intérêt de la patrie et de l’humanité.