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La question du style n’est pas celle qui a préoccupé le plus les anciens alliés du romantisme. À l’affût du moindre signe qui pût indiquer un flottement dans l’opinion publique, ils s’empressaient d’y répondre. Timidement ils jetaient un mot dans un coin du journal, quelquefois une fausse nouvelle. Ceux-là surtout faisaient ce manége qui prirent pour eux ce que le poëte a dit des jésuites et des prêtres sans charité. On n’avait pu supprimer ni Voltaire ni Rousseau ; ils voulurent du moins tout organiser pour que la renommée de Béranger fût, au moment propice, réduite en poussière. Ils disaient d’abord « le chantre de Frétillon. » M. de Béranger ne venait qu’ensuite.

Mais toutes ces petites colères, jusqu’en 1848, passaient inaperçues.

La République, en 1848, arrivait à l’improviste ; elle surprit assurément le plus grand nombre de ceux qui allaient se charger de ses destins.

L’histoire dira si cette crise inattendue a été aussi coupable que l’affirment aujourd’hui ceux qui l’ont le plus louée, face à face, et qui ont le plus profité d’elle. Elle dira les malentendus et non les crimes qui ont divisé la nation, elle jugera la faiblesse et non l’ambition de la plupart des acteurs principaux de ce nouveau drame. Ce qu’elle affirmera sans doute, c’est que les événements se précipitèrent, pour ainsi dire, de leur propre poids, et sans que les hommes y pussent porter la main pour les retenir. Peut-être même reconnaîtra-t-elle que si la seconde République française a coûté cher à la paix publique et à la liberté, ce fut moins par la faute des républicains qui l’établirent trop tôt que par la faute de ceux qui, ne l’ayant pas désirée, la laissèrent s’établir et tout aussitôt travaillèrent à sa ruine.

Le républicain Béranger, en 1830, avait plus que personne conseillé l’expérience sincère de la monarchie constitution-