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français, j’ai toujours aidé à enterrer les uns, à soigner les autres. Si je suis forcé de prendre une part active à ces luttes, je deviendrai suspect à ceux-là mêmes à qui je tendrai une main fraternelle.

« Ne m’arrachez donc pas à la solitude, où, recueilli en moi-même, je vous ai semblé avoir le don de prophétie. Je ne suis pas de ceux qui ont besoin de crier en place publique : « Je suis patriote ! je suis républicain ! » Mais, me dira-t-on, il faut vous dévouer. Ah ! mes chers concitoyens, n’oubliez pas combien ce mot dévouement peut cacher d’ambition. Le dévouement véritable, utile, est celui qui s’étudie à ne nous faire entreprendre que ce dont nous sommes capables. Quant à l’égoïsme, si on m’en accuse, je laisserai répondre ma vie tout entière.

« Venons aux idées que je puis avoir conçues dans ma retraite, pour mener à bien l’œuvre démocratique que Dieu impose à la France, au profit des autres nations, ses sœurs bien-aimées. N’aurai-je pas toujours assez d’amis dans nos assemblées pour que ces idées s’y développent, si, en effet, elles méritent quelque attention ? Ma parole timide les compromettrait ; ces amis le feront valoir. Il faut des esprits jeunes, des cœurs jeunes, pour triompher de tous les obstacles que le bien à faire va rencontrer encore. Quelques-uns de ces cœurs-là ne me seront-ils pas ouverts ?

« Je vous en supplie donc, chers concitoyens, laissez-moi dans ma solitude. J’ai été prophète, dites-vous. Eh bien donc, au prophète le désert ! Pierre l’Ermite fut le plus mauvais conducteur de la croisade qu’il avait si courageusement prêchée, bien qu’il eût pour compagnon le brave Gaultier sans Avoir, comme disaient les riches de ce temps-là.

« Puis, n’est-il pas sage qu’à une époque où tant de gens se prétendent propres à tout, quelques-uns donnent l’exemple