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Quand apparut la République, Béranger, qui l’avait prédite, mais qui connaissait la plupart de ceux qui allaient jouer un rôle, ne salua pas sans inquiétude la devise que portaient ses jeunes drapeaux. On a cité alors un de ces mots pleins de sens qu’il excellait à trouver et à bien dire : « Nous avions un escalier à descendre, et voilà que nous sautons par la fenêtre. » En effet, il s’aperçut bientôt de la haine que des imprudents avaient allumée dans les cœurs.

La reconnaissance du peuple l’appelle à l’Assemblée constituante de la République. Il ne pouvait démentir sa vie et entrer dans l’action, après avoir si clairement dit pour quelles raisons il voulait vivre dans la solitude. On n’a pu le blâmer du refus qu’il a fait d’être représentant du peuple et quelque chose de plus peut-être, que parce qu’on ne le connaissait pas. Toutes ses pensées, tous ses discours, toutes ses lettres sont d’accord pour établir l’unité de son caractère, la clarté de son intelligence et la solidité de ses résolutions.

Pour s’en convaincre, il suffit de relire avec soin la lettre qu’il écrivit aux électeurs pour décliner la candidature.

« Mes chers concitoyens,

« Il est donc bien vrai que vous voulez faire de moi un législateur ? J’en ai douté longtemps. J’espérais que les premiers qui ont eu cette idée y renonceraient, par pitié pour un vieillard resté étranger jusqu’à ce jour aux fonctions publiques, et qui pour s’en montrer digne, aura tout à apprendre, à l’époque de la vie où l’on ne peut plus rien apprendre.

« Des amis m’ont répété que refuser de pareilles fonctions serait une faute. Je crois le contraire. Mais, en effet, si c’est une faute, évitez-la-moi, vous, à qui je voudrais les éviter toutes.