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un pays d’égalité, l’assassinat politique est un outrage à la civilisation et aux droits du peuple. Le National, dominé par la mauvaise queue de l’émeute, n’a pas osé jeter l’anathème contre ces actes, si contraires à l’esprit de notre nation. Et pourtant quelle position il eût acquise ! car, en le faisant, il pouvait se proclamer républicain, en dépit des lois de septembre.

« Mais je m’aperçois que je reviens sur le passé, sans grande utilité pour l’avenir. C’est, au reste, parce que vous êtes nouveau dans l’entreprise que je me permets avec vous toutes ces réflexions ; en supposant que vous les adoptiez, elles ne vous décourageront pas, parce que vous sentirez tout ce qu’il y a encore de bien possible. Je voudrais qu’elles vous aidassent à trouver une route nouvelle pour accomplir votre mission de dévouement.

« Si je faisais de la polémique, j’ai une telle confiance dans la force des principes que je défendrais, que je voudrais, quant aux personnes et aux choses, rendre justice à chacun. Louis-Philippe lui-même aurait sa part d’éloges ou d’excuses. L’esprit de justice, mon ami, c’est ce qui donne le plus d’autorité. Je sais que, pour l’exercer, il faut se séparer de l’esprit de coterie ; mais, s’il y a d’abord quelque désavantage apparent à cela, il est bientôt compensé par la confiance générale. Pour Dieu ! faisons donc entrer la morale dans la politique. Nous reprochons à nos adversaires de culbuter à droite, lorsque à gauche nous tombons dans le fossé : ce que je vous dis là est encore à votre usage, vous, cœur droit et caractère ferme, qui pouvez si bien vous mettre au-dessus des vieilles tactiques. »

Mécontent de lui-même, et attribuant au bien-être de sa vie de jardinier et de rêveur l’impuissance de ses efforts lorsqu’il voulait écrire un livre d’enseignement, Béranger se reprocha bientôt la joie qu’il éprouvait à cultiver en paix ses roses et ses dahlias de la Grenadière. Une partie de sa petite fortune était