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la politique humaine ; c’est qu’on veut plutôt se servir du peuple que le servir. Cela doit vous répugner, vous dont le cœur est si bon et si généreux. Quand donc fera-t-on un journal pour ce pauvre peuple, qui a tant besoin de direction, et à qui chacun parle de ses droits sans se donner la peine de lui apprendre d’avance à en faire un digne usage ? Quand donc un peu de tendresse se mêlera-t-elle aux allocutions hypocrites qu’on lui fait ? Voilà une mission de journaliste qui vous va bien. Je sais que malheureusement il vous faudrait pour cela briser le cercle étroit où Carrel a renfermé la politique du National, cercle qui suffisait à son talent, mais qui est bien loin de suffire à la cause. Toutefois il me semble qu’on pourrait renoncer à la roideur humoriste que cette feuille a contractée sous lui, pour parler au peuple dans un langage qui pourrait plaire même aux classes les plus éclairées. Cela est possible pour les arts, pour les lettres et pour les sciences ; cela est possible financièrement. Je ne citerai qu’un exemple : lors de la discussion sur les caisses d’épargne, toutes les feuilles d’opposition se sont évertuées à effrayer les classes inférieures pour qu’elles retirassent leur pauvre pécule. C’était le contraire qu’il fallait faire, tout en blâmant la loi proposée ; il fallait prouver que, malgré cette loi, les fonds étaient en sûreté ; d’abord parce que c’était vrai, et puis parce que l’importance des caisses d’épargne est plutôt morale que financière. Et, si j’abordais la question des assassinats, que n’aurais-je pas à dire ? Quoi ! lorsqu’un peuple se fait en trois jours justice des rois, on ose, au nom de ce peuple, se faire agent de meurtre ? Ah ! si l’on avait de ce peuple l’idée que j’en ai, si on lui portait l’amour qu’il m’inspire, comme on se hâterait de réclamer en son nom contre de si odieuses tentatives, tentatives imitées de l’aristocratie et qui ne conviennent qu’à son organisation et aux époques où elle dominait le monde. Mais aujourd’hui, dans