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monde, j’aurai le temps de travailler. Qui sait si ce n’est pas là ce qu’il me reste à faire encore ? Vous voyez donc que le parti que je veux prendre sera moins une dégringolade qu’un arrangement de position. Je me retourne dans mon lit, voilà tout !

« D’après cela, ne vous leurrez pas de vaines espérances. Tâchez seulement de me dire combien de mois encore vous croyez pouvoir servir l’intérêt des 44, 000 francs, sans trop vous mettre à la gêne ; et, là-dessus, je prendrai mes mesures. Imitez-moi surtout, et ne vous laissez plus aller à une indolence qui désormais deviendrait coupable.

« Embrassez pour moi cette pauvre mère[1], et croyez-moi, comme toujours, pour vous plein d’estime et d’amitié, et tout à vous de cœur pour la vie. »

Installé à Fontainebleau par M. Perrotin, auquel il confiait volontiers le soin de lui chercher un gîte, Béranger y vécut depuis la fin d’août 1835 jusqu’au commencement de décembre 1836. Il quitta cette première retraite, où il fut peut-être plus heureux que partout ailleurs, parce qu’il trouvait que son existence y était trop oisive et qu’il voulait, avant de mourir, essayer de toutes ses forces d’écrire l’ouvrage de morale qu’il méditait.

Il faut lire, dans la Correspondance, les lettres écrites vers ce temps, et depuis 1830, à MM. Sainte-Beuve, Hippolyte Fortoul, Jean Reynaud, pour voir combien Béranger, même de loin, s’inquiétait de tout le mouvement littéraire qui suivit la Révolution. Là encore sa raison trouve à s’exercer, et les conseils qu’il donne aux uns et aux autres, pour ne parler que des plus marquants et sans mentionner tant de lettres adressées à des inconnus, sont aussi judicieux, aussi sages, aussi sincères que ceux qu’il donne à ses amis politiques sur la marche des affaires. On peut voir aussi, en parcourant toutes

  1. Madame Bérard.