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elle-même elle m’a aidé au temps de ma pauvre jeunesse. Une marmite coûte moins à faire bouillir que trois. J’ai vu Fontainebleau, et je pense à en faire le lieu de ma dernière retraite. Les deux femmes aideront au ménage, que pourra entretenir suffisamment, je l’espère, le peu qui me reste.

« Grâce à cette disposition, je pourrai me passer de l’intérêt de ces 44,000 francs, intérêt qui, au premier jour, deviendrait peut-être pour vous une gêne extrême. Quant aux trois actions du gaz, si vous pouvez me les remettre, tant mieux ; mais, si elles vous sont nécessaires, gardez-les aussi. Seulement je vous prie de tenir des comptes exacts de tout, afin qu’un jour, si la fortune revient souffler dans vos voiles, comme je le souhaite, surtout pour vous tous que j’aime tant, vous puissiez régler avec moi ou avec mes héritiers, sans qu’il y ait lieu à conteste et chicane de leur part. Béjot vous dira que mon testament est fait de manière à vous éviter tous les embarras de ce genre que j’ai pu prévoir et, si j’y retouche, ce sera pour le perfectionner sous ce rapport.

« Voilà, mon cher ami, ce que j’étais bien aise de vous dire pour vous tirer une épine du pied et pour que vous n’ayez plus à vous occuper que de votre digne femme et de vos enfants.

« N’allez pas trop admirer ce que vous ne manquerez pas d’appeler mon désintéressement : vous savez que je suis las du monde. Chaque jour je m’en éloigne davantage ; il en est de lui comme du théâtre : dès qu’on en a perdu l’habitude, on ne peut plus y remettre les pieds. La retraite est le but de mes désirs. Je veux terminer mes jours loin du bruit et d’une société qui finirait peut-être par me rendre misanthrope. Je tiens à conserver ma foi dans l’humanité. Quant aux privations matérielles, songez que c’est pour m’en imposer le moins possible que je prends le parti de m’éloigner de Paris. Je veux sauver mon sucre et mon café du naufrage, et puis, quand je serai loin du