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ment qui vous est alloué, et que jadis j’ai touché avec tant de joie au nom de Lucien Bonaparte, mon premier protecteur. »

Ajoutons à toutes ces raisons d’isolement, tirées de la politique et du caractère même de Béranger, une remarque d’une autre nature. Habitué à ne jamais compter quand il avait des amis à fêter ou à aider, et des misères à secourir, Béranger éprouvait, par moments, la crainte d’épuiser trop tôt le peu d’argent qui composait sa modique fortune. C’est encore une de ses lettres, et l’une des plus belles, assurément, que l’on puisse citer, qui montrera quelle était la générosité, la délicatesse et surtout la sagesse de ce grand homme de bien. Avant de partir pour Fontainebleau, il écrivit à M. Bérard, son ami déjà ancien, ami éprouvé et tout dévoué, mais alors engagé dans des affaires difficiles d’où, plus tard, il put, grâce à Béranger, se tirer peu à peu.

« Il y a bientôt quatre ans, mon cher Bérard, que des amis me pressèrent de retirer les fonds que j’avais chez vous. Vous devinez quelle fut ma réponse. Seulement, à quelque temps de là, par intérêt pour vous et votre excellente famille, je crus devoir vous instruire des bruits qui couraient en haut lieu sur votre situation de fortune. Vous me répondîtes une lettre qui eût pu me tranquilliser entièrement, si je n’avais connu votre facilité à vous faire illusion. Je ne tardai pas à avoir la conviction des malheurs qui vous attendaient.

« Vous n’aviez jamais fait usage de mes avis : je m’abstins de toute insistance inutile. À l’époque de votre maudit livre, vous sachant embourbé jusqu’aux épaules, j’essayai pourtant de vous empêcher de vous fermer, sans utilité publique, la seule ressource personnelle qui vous restât : celle des emplois. Malheureusement ma position de créancier m’empêcha peut-être d’insister suffisamment, par cela même que je jugeais mieux l’espèce de tort que vous alliez vous faire. Aujourd’hui, je ne