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relativement à l’Académie : C’est de l’orgueil ! dit-on. Les sots me croient donc bien sots ? Hélas ! vous savez, mon cher ami, la piètre idée que je me suis faite de mon mérite littéraire, et c’est en toute sincérité que j’en ai parlé dans la préface de mon dernier volume. Plût au ciel que je fusse de l’avis de mes amis sur mes ouvrages ; je n’ai que le sentiment (mais je l’ai bien) de l’utilité dont je fus à la noble cause que j’ai défendue, et ce sentiment-là ne me donne pas de vertiges. Or il n’y a qu’un homme frappé de vertige pour méconnaître l’importance de l’Académie française, qui, si elle le veut, est appelée à de si hautes destinées et qui réunit un grand nombre de nos hommes illustres, auxquels demain peuvent se réunir toutes les illustrations qui brillent en dehors d’elle. Comment ! n’avons-nous pas encore le fauteuil de Corneille et de Bossuet, de Voltaire et de Montesquieu ? Et Cuvier, ne fait que sortir de vos rangs !

« Mais je m’aperçois, mon cher ami, que c’est me mettre avec mes accusateurs contre l’Académie que de repousser aussi sérieusement l’imputation qu’ils m’adressent. Si je dois être surpris, d’après cela, c’est que quelqu’un, à l’Académie, hors un ami pourtant, remarque avec peine que je n’aspire pas à en faire partie, lorsqu’il existe aujourd’hui des renommées anciennes et nouvelles qui, pour n’avoir pas la popularité vulgaire de mon nom, n’en seraient pas moins pour les quarante d’une valeur bien plus réelle et plus utile. Car moi, pauvre ignorant, je ne vous apporterais aucune des qualités qui font le véritable académicien, et je vous défie de m’appliquer au moindre des travaux de votre classe et même aux fonctions solennelles que vous remplissez tour à tour.

« Ceci me fait remettre sous vos yeux celle de mes observations qui avait paru le plus vous frapper, et qui a aussi frappé Dupin, un jour qu’il me faisait les mêmes instances que