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politique du poëte s’y exprime en des termes qui sont clairs, et il est intéressant de voir ce ferme langage tenu à un prince qui, sans doute, ne partageait pas tous les sentiments de son ancien protégé et que le même espoir ne satisfaisait pas. On a aussi là l’expression de ce qu’il pensait des meneurs du parti républicain. Il en a dit plus dans une lettre écrite, vers le même temps, à l’occasion du procès fait au journal la Tribune. « On a beaucoup parlé de cette affaire. Les républicains s’en réjouissaient. Cavaignac (Godefroy) devait briller d’une gloire immortelle. Malheureusement nos jeunes gens sont aussi des hommes rétrogrades. » Ailleurs il dit que ce sont aussi, à leur façon, des doctrinaires. « Comme les romantiques, ils veulent tout remettre à neuf et ne font que de la vieillerie. Ils s’en tiennent à 93 qui les tuera. Cavaignac a trompé l’attente générale. Son rôle lui imposait de se jeter dans l’avenir au risque d’être appelé utopiste, il devait montrer l’inévitabilité de la République, comme pouvant seule résoudre les grandes questions sociales ; il devait donner un avant-goût de cette forme, soumise aux conditions de perfectionnement qu’impose l’ordre actuel des choses. Loin de là, il a donné des regrets à 93, appelé la guerre et refait les articles de journaux sur les fortifications de Paris. Le discours n’a pas eu même l’honneur de déplaire aux centres. Que dis-je ? Il leur a plu, car il a prouvé qu’ils n’ont pas trop tort de combattre un parti qui n’a que de pareils arguments à employer. »

En 1835, quand on fit le fameux procès des accusés d’avril et que les chefs du parti républicain, accourus de tous les coins de la France, voulurent saisir cette occasion de faire une exposition mémorable de leurs principes, le sentiment de Béranger resta le même.

Il ne faut pas croire qu’il ne lui en coûtait pas d’être sévère et que c’était de gaieté de cœur qu’il se refusait à prendre