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« Je sais aussi que je néglige le chapitre des accidents ; mais en politique spéculative, la seule à laquelle je sois propre, ils ne peuvent entrer en ligne de compte. Ce n’est que dans l’action qu’on peut, jusqu’à un certain point, leur assigner une valeur.

« Je crois, prince, vous avoir mis à même de faire de ma prédiction le cas qu’elle mérite, tout en vous prouvant que pour moi elle est le résultat d’un raisonnement désintéressé et d’une conviction consciencieuse.

« Vous voilà armé de toutes pièces pour m’accabler aussi des noms de fou et de radoteur. Ne vous en gênez pas ; j’y suis fait. Les sages m’ont également accusé de folie sous la Restauration ; et nos jeunes gens, malgré les événements qui, depuis deux ans, ont confirmé mes pronostics, n’en sont pas plus disposés à croire mes prophéties ; je ne les en estime pas moins : ils accomplissent leur mission ; la mienne n’est plus que de prêcher dans le désert, et c’est un sot rôle.

« Vous en avez appelé à ma franchise ; vous devez voir, prince, que je n’y ai pas fait faute. J’ai laissé aller ma plume, au risque de vous fatiguer et de me nuire dans votre esprit pour vous mettre sous les yeux tous les documents qui vous étaient nécessaires. Je vous le répète donc : jugez maintenant du cas que vous devez faire de mes paroles.

« Puissiez-vous au moins trouver dans cette lettre une nouvelle preuve de l’attachement éternel que je vous ai voué et un motif de plus de me croire toujours, prince, votre plus reconnaissant serviteur. »

Cette lettre est du 25 mai 1833. Béranger savait alors à quoi s’en tenir sur ce que les lendemains promettent. On a parlé de son sens divinatoire : N’y a-t-il pas là une preuve assez étrange de la netteté de cet instinct prophétique ? L’opinion