Page:Béranger - Ma biographie.djvu/369

Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Si plusieurs obstacles insurmontables ne s’y opposaient, j’aurais tenté le voyage de Londres pour aller vous témoigner de vive voix ma reconnaissance. Je regrette que cela me soit absolument impossible. Peut-être en causant ensemble, prince, eussiez-vous pu tirer parti des observations que j’ai recueillies pendant le temps où j’ai suivi nos hommes politiques. M. Lacoste, ami du comte de Survilliers, pourra, au reste, vous transmettre, s’il le juge utile, tout ce que je lui ai dit sur les circonstances actuelles, ainsi que mes calculs d’avenir. Je ne vous dissimule pas d’avance que, sauf depuis un temps fort court, mes idées n’ont pas eu beaucoup de partisans. Voilà pourtant les feuilles républicaines qui s’en rapprochent ; mais c’est faute de mieux, je pense. Voyez, d’après cela, le cas qu’on en doit faire. Il a été un temps où jeunes et vieux daignaient recourir à mes avis. J’en étais tout fier, mais on a fini par me traiter de radoteur, et j’ai fermé le cabinet de consultations. S’il ne m’arrive plus de vouloir donner des conseils, il m’arrive encore de bavarder, et c’est sans doute un de mes bavardages qui vous a été rapporté. J’ai dû dire en effet, et plus d’une fois, que la situation actuelle pouvait durer dix ans, peut-être plus.

« Avant la Révolution de juillet, j’ai entrevu l’impossibilité d’établir, dans un pays d’égalité, le système anglais monarchique représentatif, qui ne peut se passer de l’appui d’une caste privilégiée. Lors de cette dernière révolution, moi, vieux républicain, convaincu que la France n’était pas encore disposée à accepter la forme républicaine, j’ai désiré, pour achever d’user la vieille machine monarchique, qu’elle nous servît de planche pour passer le ruisseau ; et ce que je vous dis là, ma conduite et mes discours à cette époque l’ont prouvé à tous mes amis. Je crois pouvoir assigner à cet état transitoire une durée égale à la Restauration. Les fautes du nouveau