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En 1830, il n’avait hésité qu’entre la République, pour laquelle la France ne lui semblait pas encore mûre, et la monarchie constitutionnelle. Il n’avait pas songé que l’Empire pût renaître. D’ailleurs l’héritier de Napoléon était à Vienne, élevé comme un archiduc, chétif et déjà mourant. Et puis, Béranger, cela est visible dans tout ce qu’il a écrit, ne considérait l’Empire que comme une forme passagère de la République. Il déplora toutefois que les portes de France restassent fermées, après 1830, aux membres de la famille de Napoléon ; « mais, écrit-il, la faute en est à la maladresse des gros bonnets du parti. Ils n’ont pas paru dans le combat. Charles X rentrant à Paris le 30, aucun d’eux n’eût eu à craindre pour sa tête. Cela ne les a pas empêchés de se réunir, de clabauder, d’intrigailler après coup ; et ils ont donné lieu à des précautions qui, sans eux, n’eussent été prises qu’avec des exceptions faciles et convenables. »

Ceci nous conduit à l’une des lettres de Béranger où se montre le mieux sa pensée politique. Lorsque parut le dernier recueil qu’il publia, il le fit précéder d’une dédicace dans laquelle il exprimait toute la reconnaissance qu’il gardait à son premier protecteur. Lucien Bonaparte le remercia et lui demanda son avis sur les événements qui s’accomplissaient en France. Béranger répondit :

« Savez-vous, prince, que, dans un homme plus facile que moi à se faire des illusions, votre lettre eût pu produire un dangereux mouvement d’orgueil ? Heureusement je n’ai cherché dans vos expressions que le sens que vous avez dû vouloir leur donner. Le prix que vous dites attacher à mes conseils littéraires n’est qu’une manière ingénieuse de témoigner quelque estime à mon modeste talent ; et, quant à la justesse de mon coup d’œil en politique, permettez-moi de vous mettre à même d’apporter de notables restrictions à cet éloge.