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Et de ses pieds on peut voir la poussière
Empreinte encor sur le bandeau des rois.

« Lorsque vous entonnez la louange du Roi d’Yvetot et l’hymne au Ventru ; lorsque vous célébrez le Marquis de Carabas et les Myrmidons ; lorsque vous dictez la lettre prophétique d’un petit roi à un petit duc ; lorsqu’à mon grand regret vous riez de la Gérontocratie, vous êtes un politique à la manière de Catulle, d’Horace et de Juvénal. Souffrez en moi une des contradictions de la nature humaine : admirateur et prôneur de la jeunesse, je suis néanmoins très-attaché aux Barbons. Vous avez perdu un procès contre eux devant la justice : si j’en pouvais gagner un pour eux, à la haute cour de votre muse ! »

Chateaubriand plaide alors la cause des Bourbons déchus et cherche à séduire son ancien adversaire en flattant son nouvel ami. Béranger a répondu par une lettre qu’on peut regarder comme un de ses plus heureux chefs-d’œuvre. À quelle hauteur n’était pas arrivé, sans guide, l’ancien apprenti imprimeur de Péronne ! Il tient dignement son rang dans une correspondance à laquelle l’a provoqué l’auteur du Génie du Christianisme. Voici sa réponse :

« Votre lettre[1] m’a vivement touché, et j’en ai pesé chaque mot pour vous rendre grâce de tous ceux que votre bienveillance a dictés. Ah ! monsieur, que ne suis-je de ces gens faciles aux illusions ! Mais, de si haut que parte l’éloge, si brillant qu’il puisse être dans sa forme, il ne me réjouit que par le sentiment qui le fait arriver jusqu’à moi. Il n’a malheureusement pas le pouvoir de rien changer à l’idée que je me suis faite de mon talent. Ma réputation, si étendue, si populaire, descendue où peut-être jamais en France réputation d’auteur n’a pu at-

  1. Voyez la Correspondance, t. II, p. 64.