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les contraindre à se bien servir, en maintes occasions, de l’autorité ou du crédit mis entre leurs mains, tout cela lui était déjà assez à charge pour qu’il pût penser à rompre tout à fait, dès cette fin de 1830, avec la plupart de ses connaissances. Il avait ses jours de chagrin et presque de désespoir. « Mais la nation est pourtant là, disait-il bientôt[1] ; et j’espère qu’elle sera sa Providence, soit qu’il lui faille du beau temps, soit qu’elle ait besoin d’un orage. »

En juillet 1831, au moment de fêter le premier anniversaire des journées qui avaient rétabli la France de 1789 dans l’exercice de ses droits, Béranger s’excuse presque auprès de La Fayette[2] de ne pas écrire de chansons satiriques, et il donne pour raison que ce n’est pas tant la politique du roi que les divisions des citoyens qui l’affligent. Il dit même qu’il est d’avis de conserver et d’affermir la royauté constitutionnelle. Ainsi ses regrets n’allaient pas jusqu’au repentir, et c’étaient les hommes, non les principes, qu’il accusait du peu de chose qu’avait produit, et en France et au dehors, la Révolution de juillet.

Nous avons vu, dans la lettre écrite par Béranger à sa tante, madame Bouvet, comment il alla voir Chateaubriand dès le lendemain de la Révolution.

Chateaubriand avait été pour Béranger, dès la première heure, l’un de ces maîtres secrets que toute sa vie l’on aime malgré soi et que l’on respecte. Assurément ils ne se sont pas rencontrés dans le même camp ; ils ont combattu pour des idées et pour des principes contraires ; ils se sont rencontrés cependant, et c’est le fils des croisés, le gentilhomme, le créateur de la littérature romantique, qui a fait le premier pas. Il a loué le

  1. Lettre du 23 novembre 1830.
  2. Lettre du 10 juillet 1831.