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tranquille dans mon coin. Tout cela me fera passer pour un fou ou un sot, mais je m’en moque. D’ailleurs, dans huit jours, personne ne pensera plus à moi, et, comme mon rôle est terminé, par l’effet même du triomphe des idées que j’ai défendues et proclamées à mes risques pendant quinze ans, je retomberai bientôt dans l’obscurité que j’ai si souvent regrettée depuis que j’ai de la réputation. J’ai dit sur-le-champ qu’en détrônant Charles X on me détrônait. C’est vrai à la lettre ; le mérite de mes chansons disparaît aux trois quarts. Je ne suis pas homme à me désoler, quand je vois tout ce que mon pays y gagne. Je donnerais ce qui me restera de renommée pour assurer son bonheur. Le patriotisme a toujours été ma passion dominante, et l’âge ne l’a point affaibli.

« Je n’ai qu’un regret dans le parti que je prends, c’est de ne pouvoir profiter de ma situation pour améliorer celle de quelques-uns de mes amis, à qui j’aurais pu être utile en acceptant pour moi-même ce que je ne puis leur faire avoir. Un peu d’argent m’eût aussi mis à même de faire vivre plus largement ceux à qui je suis utile ; mais la Providence y pourvoira, je l’espère. Elle ne m’a pas manqué jusqu’à présent.

« J’ai voulu, ma bonne tante, te mettre bien au courant de tout ce qui me regarde dans les événements glorieux et inespérés dont nous venons d’être témoins. Je compte que tu approuveras ma conduite en tout ceci. Tu sais quel prix j’attache à tes approbations. »

Dès la fin de l’année, Béranger avait même cessé de voir ses amis Dupont (de l’Eure) et Laffitte, qu’il blâmait de laisser détruire au pouvoir, sans profit pour personne, une popularité qui pouvait, du jour au lendemain, redevenir utile à la France. La vie de Paris, la fréquentation des ambitions nouvelles, la nécessité d’aller aux gens pourvus de titres et de places pour