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des pétitions. » Et à un autre : « Depuis tous ces changements, j’ai si peu obtenu pour mes malheureux protégés, que je commence à douter de mon influence, même sur mes amis. »

Mais qu’on nous laisse ici placer une autre lettre presque entière, l’une des plus précieuses qu’on ait pu recueillir, celle où le glorieux poëte, au jour même où il voit s’accomplir sa cinquantième année, explique simplement et respectueusement sa conduite à la tante qui a veillé sur son enfance et aux belles leçons de laquelle il doit une partie de ses vertus.

« Te dire qu’après un pareil événement il règne ici et en France une satisfaction complète, tu ne le croirais pas. Ce qu’il y a d’incontestable, c’est qu’il y a au moins unanimité de haine contre tout ce qu’on a renversé, s’il n’y a pas unanimité d’amour pour ce qui le remplace ; le peuple s’est admirablement conduit. La difficulté est de ne pas gâter ce qu’il a fait, et c’est à quoi travaillent les partis, chacun de son côté. Quant à moi, qui n’ai pas été sans influence dans les moments décisifs, ma conscience ne me reproche rien de ce que j’ai pu aider à faire. Quoique républicain, et l’un des chefs de ce parti, j’ai poussé tant que j’ai pu au duc d’Orléans. Cela m’a même mis en froid avec quelques amis ; cependant leur confiance m’est restée, parce qu’ils m’estiment et qu’ils ont la preuve de mon désintéressement. Laffitte ayant vanté beaucoup le peu que j’ai pu faire au duc d’Orléans, qui l’a su de plusieurs autres côtés, il a exprimé le désir de me voir et de me recevoir ; mais j’ai cru nécessaire de me tenir à l’écart, et j’ai déclaré, pour éviter toutes les avances, que je ne voulais rien, absolument rien. Mes amis, qui tous sont devenus puissants, se trouvent assez embarrassés de moi. Sous ce rapport, ma popularité, ma réputation littéraire, tout semble, en effet, nécessiter quelque marque de bienveillance publique ; mais j’ai dû consulter mes goûts, obéir à mes principes, surtout donner à mes jeunes