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le peu qu’il en voulut écrire, il semble qu’il ait plutôt cherché à empêcher les erreurs et les exagérations qu’à instruire les admirateurs de ses vers et de sa vie de tout ce qu’il avait pu faire ou penser.

La postérité, qui est curieuse de tous les détails de l’histoire des hommes illustres, mais qui ne l’est pas à la manière des contemporains, pour l’amour des anecdotes et par le goût du scandale, appréciera comme elle le mérite cette Biographie si sagement conçue et si discrètement écrite. Elle y saisira, elle y suivra avec une douce émotion les traces d’un caractère qui a si fort tranché, dans ce siècle-ci, sur les vanités et les ambitieuses faiblesses de la plupart des écrivains de premier ordre.

Mais ce n’était pas à un volume de ce genre que s’attendaient les curieux, qui, au lendemain de la mort de Béranger, recueillaient, de toutes parts, avec impatience, les plus frêles souvenirs de son existence. On pensait que le dictionnaire historique, promis par Béranger dans sa Préface de 1833, avait été exécuté par lui, et qu’on y trouverait, comme dans une galerie de peinture toute pleine de chefs-d’œuvre des maîtres, la série des meilleurs portraits de nos célébrités contemporaines. Dans la préface des Dernières Chansons, écrite en 1842, Béranger a dit pourquoi il n’a pas tenu l’engagement qu’il avait cru pouvoir prendre en 1833, au moment où il se retirait de la vie active et du bruit de Paris pour rentrer dans le silence et l’oubli si chers à sa jeunesse.

« Frappé, dit-il, de l’impossibilité d’être toujours suffisamment instruit et par conséquent toujours juste pour les hommes des différentes opinions, soit en raison du pêle-mêle des documents, soit à cause des retours possibles dans des existences non achevées, soit enfin par la faiblesse qu’inspire au peintre son attachement pour quelques-uns de ses modèles, j’ai renoncé à cette tâche pénible et détruit mes premières ébauches.