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Je fus longtemps à me remettre de la terrible secousse que j’avais reçue, et ma vue, jusque-là fort bonne, parut en avoir beaucoup souffert, au point qu’on ne put me mettre en apprentissage dans l’horlogerie, état qui avait de l’attrait pour moi et qui convenait à mon extrême dextérité. Pourtant il me fallait un métier, et je m’appuyais sur une phrase bien connue de Rousseau[1].

Ma tante sentait aussi que l’aider à tenir son auberge ne m’assurait point d’avenir. Elle s’était d’ailleurs aperçue que ma petite vanité était blessée quand il me fallait servir à table ou aller à l’écurie, et elle se disait que ma frêle constitution ne convenait pas à toute sorte de travaux. L’orfévrerie fut mon premier essai. Mais j’eus affaire à un pauvre maître qui m’entretenait de ses amours et ne m’apprit du reste qu’à travailler un peu le cuivre. De son établi je passai saute-ruisseau chez un notaire devenu juge de paix. Ce magistrat, ami de ma tante, dont l’esprit lui plaisait, me combla de marques de bienveillance, et son souvenir devait rester un des plus doux souvenirs de ma jeunesse.

M. Ballue de Bellenglise, disciple fervent de Rousseau et partisan chaleureux de la Révolution, fut appelé à l’Assemblée législative. Revenu à Péronne,

  1. « Je veux qu’Émile ait un état. »