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    langue, lorsqu’elle n’était encore que la langue de Marot et de Rabelais. Mais plus que cette exhumation, j’estime les observations dont vous l’avez accompagnée. Vous ne vous contentez point de donner des préceptes de goût, des preuves d’études sérieuses, des marques d’un grand sens ; vous exprimez tout cela dans ce style pur, clair, logique, dont nous ne nous sommes que trop écartés et vers lequel vous semblez destiné à nous tracer un chemin de retour. Je vous en remercie d’autant plus que, bien que fort mauvais grammairien, je n’en ai pas moins un grand amour pour notre belle langue, qui a toujours été pour moi un objet d’observations philosophiques, si j’ose me servir de ce mot ambitieux. Aussi, monsieur, ai-je été bien flatté de ce que vous dites de mes chansons. Je ne savais pas l’orthographe (et j’avais vingt ans alors) que déjà je cherchais à m’initier aux perfections du style ; pour cela, j’ai copié deux fois Athalie, malgré toute ma jeune admiration pour le génie dramatique de Corneille. Ah ! si j’avais, à cet âge, trouvé un maître comme vous, que de peines et de tâtonnements il m’eût épargnés ! Tout vieux que me voici, j’ai toujours un nouveau plaisir à m’occuper de la langue ; à me rendre compte de la marche qu’elle suit ; à noter dans mon esprit les progrès ou les écarts que lui impriment les contemporains. Je vous l’ai dit : j’ai osé faire un plan de dictionnaire. Je voudrais qu’on se rendît bien compte de toute l’importance de ce premier des livres d’une nation ; et, quand cette nation est civilisatrice, qu’on reconnût l’obligation de faire le dictionnaire, non-seulement pour ceux qui savent, mais aussi pour ceux qui ne savent pas, c’est-à-dire pour les enfants et les étrangers. Ce n’est pas l’Académie française seule qui devrait être chargée d’un si grand travail ; tout l’Institut devrait y prendre part, car j’y voudrais voir à côté de la définition des mots la définition des choses ; ne concevant pas qu’on se contente de creuser un canal sans y faire couler autant d’eau qu’il en peut contenir. Je voudrais voir dans ce dictionnaire la prononciation indiquée, les accents multipliés, pour détromper l’œil, qui suppose toujours que plusieurs lettres semblables réunies doivent former une même consonnance ; les L mouillés barrés, chose si nécessaire pour les étrangers ; les vieux mots repris depuis Villehardouin, avec la date de leur mort. Puisque nous conservons les ou-