Page:Béranger - Ma biographie.djvu/272

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Je veux rapporter ici une des plus flatteuses récompenses accordées à mon patriotisme. Le vendredi de la grande semaine[1], une dame que je ne connaissais pas et que je n’ai jamais revue, traversant la foule qui encombrait les salons de Laffitte, arrive jusqu’à moi et m’offre un immense drapeau tricolore : « Monsieur, me dit-elle, j’ai passé la nuit à le faire préparer. C’est à vous, à vous seul que j’ai voulu le remettre pour que vous le fissiez replacer sur la colonne. » Touché jusqu’aux larmes, tout en remerciant cette dame, j’insiste pour que l’hommage du drapeau soit fait aux députés assemblés : « Non, non, reprend-elle, c’est à vous, à vous seul. » Et elle disparaît.

Ce drapeau fut immédiatement arboré sur la place de la colonne Vendôme par les jeunes gens qui se trouvaient témoins de cette scène.

Moi, qui ai reçu et qui reçois encore tant de témoignages de l’affection populaire, il n’en est pas dont le souvenir se réveille plus souvent en moi que celui de cette dame et de son drapeau. Puisse-t-elle me survivre pour voir un jour ici le témoignage de la reconnaissance que je lui ai conservée !

Pour n’être pas exposé à des instances embarrassantes et aussi parce que je hais de me mettre en évi-

  1. Le 30 juillet 1830.