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S’il m’est arrivé, dans quelques circonstances, d’avoir l’avantage de la perspicacité et du calcul sur des hommes beaucoup plus éclairés que moi, je sais que je ne l’ai dû qu’à ma position particulière : agissant peu, complétement dégagé d’intérêt personnel et de toute arrière-pensée ambitieuse, il m’a été facile de voir quelquefois plus juste et plus loin que des esprits qui m’étaient infiniment supérieurs, mais qu’agitaient des désirs ou des passions que je n’avais pas. Il n’est pas jusqu’aux nobles ambitions, celle de la popularité, par exemple, qui ne puissent troubler l’entendement le plus sain. Qu’on ne s’y trompe donc point : l’avantage que j’ai eu sur beaucoup d’autres, c’est de n’avoir rien été et de n’avoir presque rien fait. Il faut laisser les sots se prévaloir d’un pareil bonheur.

    vertu, si vertu il y a, donnés par les castes antiques. Là, selon moi, est une source féconde d’erreurs qui me feraient crier, comme M. de Morogues, contre les études grecques et latines, si fort en contradiction avec la société comme l’a faite le christianisme. »

    Une autre fois, en 1840, quand M. Trélat concourut pour obtenir un poste de médecin d’hôpital, il lui disait : « Le premier devoir de l’honnête homme est de rendre utiles à ses semblables les facultés qu’il a reçues du ciel. L’homme capable d’enseigner doit accepter la chaire qu’on lui offre ; l’homme capable de juger doit accepter la magistrature ; le médecin doit même offrir ses soins où il les voit nécessaires. »

    Mais il voulait qu’on ne s’attachât pas aux fonctions et aux places jusqu’à sacrifier l’indépendance de sa pensée et à garder pour soi les vérités que l’on sentait le besoin de produire au jour. C’était aux gouvernements à se servir de tous les hommes capables et à respecter en eux les services rendus à leur patrie.