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procher trop, c’était m’enrôler, ce qui ne convenait point à mon allure indépendante. On m’en a blâmé, sans doute. Je me blâmais moi-même et malgré ce que je viens de dire, nul plus que moi n’a reconnu la pureté des intentions de La Fayette et les immenses services qu’il a rendus à la liberté. Mais j’obéissais à mon instinct.

En tout temps, j’ai trop compté sur le peuple pour approuver les sociétés secrètes, véritables conspirations permanentes qui compromettent inutilement beaucoup d’existences, créent une foule de petites ambitions rivales et subordonnent des intérêts de principe aux passions particulières ; elles ne tardent pas à enfanter les défiances, source de défections, de trahisons même, et finissent, quand on y appelle les classes ouvrières, par les corrompre au lieu de les éclairer. À tout ce que j’avance ici je pourrais apporter des preuves ; j’ai su tout ce que ces sociétés ont fait, ou j’en ai su du moins assez pour affirmer qu’elles ne peuvent convenir qu’à des peuples opprimés par l’étranger. Sans l’utilité dont La Fayette put croire que serait un jour cet entourage politique, ce grand citoyen eût sans doute pensé comme moi, qui, non-seulement refusai de faire partie des Carbonari, mais tâchai de détourner plusieurs de mes amis, et Manuel entre autres, d’entrer dans cette association. La Révolution de 1830 a prouvé que, dans