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veilla pas moins de grand matin pour me mettre à la porte, comme il me le dit en riant. Je me trouvai libre, après neuf mois de captivité[1], et me promenai sur les boulevards avec autant d’insouciance que si je venais de sortir de chez moi, ce qui peut donner une idée de la facilité avec laquelle je puis changer de position. On doit voir que je n’ai pas la prétention de me faire plaindre. Je touchais pourtant à la vieillesse.

Cette dernière affaire jeta un nouveau lustre sur ma vie, et, comme la dynastie, par ses fautes, décourageait chaque jour ses serviteurs les plus dévoués et les plus capables, le nombre de ceux qui me témoignèrent de la bienveillance dut augmenter d’autant. J’avais toujours rêvé Chateaubriand ; quelle fut ma joie, lorsqu’à son retour de l’ambassade de Rome, j’appris qu’il désirait me connaître ! Le poëte qui avait trouvé la chanson si humblement placée devait, en effet, s’enorgueillir de voir qu’elle avait fini par attirer l’attention de l’auteur des Martyrs et du Génie du Christianisme. C’est la plus haute récompense littéraire que je pusse obtenir. Dans les ouvrages que M. de Chateaubriand a publiés depuis le jour où, pour la première fois, je lui serrai la main, il a témoigné au public de toute sa bienveillance pour

  1. Voir la Correspondance (tome 1, page 387).