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dans leurs calculs, ils vinrent me trouver à la Force, prison que j’avais choisie, lorsque l’entrée de M. de Polignac au ministère[1] les eut enfin bien convaincus qu’il n’y avait rien à espérer des Bourbons, comme je n’ai cessé de le dire et de le chanter.

Il m’eût été facile d’obtenir de passer mes neuf mois dans une maison de santé : loin de moi l’idée d’en faire la demande[2]. Les motifs ne m’auraient pas manqué : je fus très-souffrant pendant les quatre premiers mois de cette détention. Mais, quand on s’est mis en guerre avec un gouvernement, il me semble ridicule de se trop plaindre des coups qu’il nous rend, et maladroit de lui fournir l’occasion de se montrer généreux en les adoucissant.

Peut-être pensé-je ainsi, parce que, je l’ai déjà dit, la vie de prison, dans un coin particulier, cette vie cloîtrée, régulière, aux longues soirées, n’est pas sans quelque charme pour moi. Elle ne convient nullement à la jeunesse ; mais j’avais plus de quarante ans quand j’en essayais. À cet âge, j’ai pu me demander quelquefois si je n’étais pas né pour le couvent. Mais non ! on y manque de liberté morale, et c’est celle dont je ne puis me passer.

  1. Le 8 août 1829.
  2. Béranger est entré à la Force dans les derniers jours de décembre 1828. Il en sortit le 22 septembre 1829, ayant à faire trois cent cinquante visites de remercîment pour celles qu’il avait reçues dans sa prison.