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J’avais pour le dessin un goût très-vif, qu’elle eût désiré cultiver, mais pour cela encore les dépenses étaient un obstacle. L’éducation morale ne fut pas aussi restreinte, grâce aux leçons que sur tous les sujets elle savait approprier à mon âge, et aussi à mon intelligence, dont le développement fut assez rapide jusqu’à douze ans. La maîtresse crut devoir quelquefois recourir aux avis de son élève. Voilà donc près de cinquante ans que je donne des conseils aux autres. Il paraît que j’étais destiné à ce sot métier, aussi peu profitable à celui qui le prend qu’à ceux pour qui on le fait. Cette raison précoce, va-t-on me dire, vous empêcha-t-elle vous-même de faillir souvent ? Hélas non ; mais cette raison me fit de bonne heure garder mémoire de mes moindres fautes, et c’est à cela que je dois de pouvoir sans trop rougir aujourd’hui me rappeler les leçons de mon institutrice.

Je vais rapporter un fait qui donnera l’idée des moyens qu’elle employait pour m’inculquer ses principes.

À l’époque de la Terreur, quelques-uns de ses amis, habitants d’un prochain village, furent arrêtés et conduits à Péronne, au milieu de la nuit, pour y être incarcérés. En passant devant notre auberge, il leur fut permis de parler à ma tante. Le bruit de cette visite ne m’avait pas réveillé, et, le matin, sans