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n’eût pas manqué de faire passer pour la preuve de ses progrès. Il est des drames que, chez nous autres Français, il ne faut pas jouer deux fois ; en toute chose notre ferveur se lasse vite. Les plus influents de ses collègues lui sauvèrent l’embarras d’une seconde expulsion qu’il n’eût pas hésité à aller chercher. Plusieurs de ceux qui s’étaient chargés de diriger les élections écrivirent dans la Vendée qu’il serait sans aucun doute réélu à Paris, et ils montrèrent aux électeurs de Paris des lettres qu’ils s’étaient fait écrire, où l’on réclamait pour la Vendée l’honneur de cette réélection, présentée comme certaine.

Manuel eut pitié de tant de lâchetés, supporta comme un homme qui s’y est attendu l’oubli où le corps électoral le laissa pendant quatre ans, ne cessa de donner de sages conseils à ceux qui avaient trahi en lui la cause nationale, et, sur son lit de mort, me répéta plusieurs fois en gémissant : « Vous croyez à une révolution prochaine : j’y crois aussi ; mais, mon ami, où la France prendra-t-elle des hommes pour la gouverner dignement ? » Et je dois faire observer que Manuel avait trop de franche modestie pour se croire, en fait de capacité, au-dessus de ceux dont il espérait si peu de chose. C’était là une des erreurs de son esprit.

Sa fin prématurée réveilla le souvenir de ses ser-