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jours à rester à Sainte-Pélagie. Mon acquittement me réjouit surtout comme un échec pour les lois contre la presse, puisque la publication des pièces de tous procès semblables pouvait dès lors multiplier sans fin les œuvres hostiles à nos adversaires. J’en fournis moi-même la preuve en 1828, à mon dernier procès. Le jour même du jugement de condamnation en police correctionnelle, toutes les nouvelles chansons condamnées étaient reproduites dans les journaux du soir, qui, certes, n’étaient pas libéraux. Charles X ayant montré de la surprise et du mécontentement en voyant ses propres gazettes donner à mes refrains une plus grande publicité que mes dix mille cinq cents exemplaires ne l’eussent fait, une de ces feuilles se crut obligée d’expliquer que, le jugement obtenu en 1822 rendant inévitable cette reproduction, les journaux du pouvoir n’avaient devancé que de quelques heures ceux de l’opposition. La feuille royaliste n’ajoutait pas qu’il y avait pour elle intérêt d’argent à les devancer.

On a calculé que, par l’effet de cette répétition des chansons condamnées dans les journaux de Paris, copiés par ceux des départements et de l’étranger, il y avait eu, en moins de quinze jours, plusieurs millions d’exemplaires des vers qu’on avait voulu frapper d’interdit. C’était là une bonne leçon donnée à ceux qui s’obstinent à entraver la liberté de la