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mais qu’il lui soit permis de placer ici l’éloge de celle qui fut sa véritable mère. Née avec un esprit supérieur, elle avait suppléé à l’éducation qui lui manquait par des lectures sérieuses et choisies. Enthousiaste de toutes les choses grandes, elle s’inquiétait encore, dans ses dernières années, des découvertes nouvelles, des progrès de l’industrie et même des embellissements de la capitale. Comme elle était capable d’une vive exaltation, la Révolution en fit une républicaine aussi ardente que son humanité pouvait le permettre, et toujours elle sut allier au patriotisme les sentiments religieux qu’une âme tendre doit souvent plus à sa propre nature qu’à son éducation première. Telle était la pauvre aubergiste qui se chargea du soin de ma seconde enfance. C’est dans Télémaque, dans Racine, dans le théâtre de Voltaire, qui composaient toute sa bibliothèque, qu’elle acheva de m’apprendre à lire ; car, bien que je susse presque par cœur deux poëmes épiques, je ne savais lire que des yeux, et j’étais incapable d’assembler deux syllabes à haute voix, la valeur des consonances ne m’ayant jamais été enseignée. Enfin, un vieux maître d’école m’apprit à écrire et à calculer plus régulièrement que je ne me l’étais appris moi-même. Là s’arrêtèrent mes études : ma tante n’avait pas le moyen de m’en faire faire de plus brillantes ; et d’ailleurs Péronne vit alors fermer son collége.