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qu’il n’emprunterait pas toujours de la raison. Je ne me faisais donc pas trop prier pour chanter mes productions inédites, soit avec mes amis de l’opposition, soit même quelquefois avec les hommes attachés au gouvernement. C’était un bonheur, pour moi, que de servir à ceux-ci du fruit défendu. MM. de Barante, Guizot, Siméon père[1], Mounier[2] et beaucoup d’autres pourraient le dire : ils m’ont entendu, à table, à côté de M. Anglès, préfet de police, leur donner l’étrenne du Bon Dieu, des Missionnaires, etc., etc.

Un jour, ce dernier reçut un rapport où on lui faisait savoir que j’avais chanté chez M. Bérard[3], son ami et le mien, quelques-unes de mes chansons anarchiques, comme on disait alors. Le préfet en rit beaucoup : il était du dîner. On voit que la chanson jouissait encore de certains priviléges et qu’à cette époque les préfets de police se montraient parfois gens d’esprit.

Enfin, en 1821 je pus faire imprimer deux volumes[4], tant de mes anciennes que de mes nou-

  1. Mort premier président de la cour des comptes.
  2. Mounier, fils du Mounier de la Constituante, rallié à l’Empire, puis ministre de la Restauration.
  3. M. Bérard (Auguste-Louis-Simon) est mort en 1859. Il était né à Paris, le 5 juin 1783.
  4. Deux volumes, petit in-12, chez F. Didot. Ce recueil parut le 25 octobre 1821. Le 26, Béranger recevait sa destitution. Dès le 15 novembre, la saisie des volumes était approuvée par la Chambre du