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ses deux contemporains. Le théâtre-chronique, où les scènes se succèdent naïvement, au gré d’une tradition historique légendaire ou romanesque quelconque, est l’enfance de l’art, et tout ce qu’on trouve de génie dans Shakespeare n’eût pas dû empêcher d’en convenir. Schiller a été prendre là son modèle sous le point de vue dramatique, je doute qu’il y ait trouvé un avantage pour sa gloire. À force, ai-je dit, de peser les critiques adressées aux pâles imitateurs de nos grands maîtres, je me mis à composer, et cela en moins d’un an, plusieurs plans, où je cherchais à allier, non le burlesque à l’héroïque, alliance barbare que Shakespeare lui-même repousserait aujourd’hui, mais le familier à l’héroïque. C’est le familier qui manque à nos grands tragiques, moins pourtant à Corneille qu’à Racine, parce que c’était presque toujours en vue de l’aristocratie et de la cour qu’ils écrivaient. Les unités de lieu et de temps m’avaient toujours moins choqué que l’uniformité du ton.

Je voulais donc voir s’il serait possible de s’en affranchir au profit du naturel et des effets dramatiques. Un Comte Julien[1], une Mort d’Alexandre le Grand, un épisode des Guerres civiles en Italie, un Charles VI, un Spartacus[2], conçus d’après ce sys-

  1. Sujet tiré de l’histoire d’Espagne, au huitième siècle. (Voir le Romancero.)
  2. On sait qu’il il y a au répertoire de la Comédie-Française un Sparta-