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secourable aux victimes politiques qui implorèrent son appui. Ce serait un malheur de plus dont on aurait à la plaindre.

La couleur d’opposition que la chanson du Roi d’Yvetot m’avait donnée à la fin de l’Empire fit croire que j’allais me jeter dans les intérêts de la légitimité. Des propositions me furent faites et des récompenses promises, même avant l’arrivée des Bourbons, si je voulais les chanter. « Qu’ils nous donnent la liberté en échange de la gloire, qu’ils rendent la France heureuse, et je les chanterai gratuitement, » répondis-je[1] à ceux qui se chargeaient de leur recruter des partisans. Toute recrue était bonne ; qu’on ne croie pas que je me vante. À cette occasion, je me rappelle que, plusieurs années après, plaisantant mademoiselle Bourgoin[2] sur le royalisme qu’elle avait affiché en 1815, cette actrice spirituelle me répondit avec le ton qu’on lui a connu : « Je vivais alors avec un royaliste, et, nous autres, nous sommes de l’opinion de nos amants. Louis XVIII avait voulu me voir pour me féliciter de mon dévouement et de mon courage : cela m’avait

  1. Voyez la préface de 1833.
  2. Thérèse Bourgoin, née à Paris en 1781, a débuté à la Comédie-Française en 1800, et s’est fait une assez grande réputation par son esprit et sa beauté. Elle mourut en 1833, du chagrin d’avoir quitté le théâtre.